L’oeuvre « Wayfaring » a pour point de départ les textes de Tim Ingold, anthropologue
britannique, qui considère que l'individu ne serait pas une chose fermée sur elle-même mais
un entrecroisement de lignes, à la manière d'un tissu. Dans sa démonstration, la ligne apparaît
comme un "fait social total" au sens de : vous tirez un fil, et l'ensemble de la pelote humaine
suit. De ce point de départ la réflexion de la plasticienne va dériver sur une approche de
l’insularité dans le sens de : nous sommes insulaires de nous-mêmes et dans cette insularité,
qui est territoire intime, nous traçons des lignes invisibles par nos pensées, nos actions, nos
déplacements. Ce tissage fait monde. Et dans cet « ouvrage » nous questionnons un endroit,
un lieu, dans toute sa complexité et ses chemins possibles avant de pouvoir être habités. Nous
créons, pour emprunter le mot à Tim Ingold, des archi-textures qui nous conduisent à nousmêmes
et conditionnent le territoire que nous traversons.
Cette oeuvre vient convoquer les trajectoires, les manières de percevoir mais également de
passer à travers les paysages. Là où le tracé des actions de chacun se compose suivant des
lignes imaginaires, le voyage de chacun est un temps unique, un rythme. Telle une
expérimentation par le corps et son déplacement à travers les paysages Valérie Giovanni
envisage l’idée selon laquelle le parcours d’un lieu s’invente à chaque pas. Il suffit que l’on « se
mette en mouvement » pour devenir une ligne, puis un territoire. Une ligne d’action, une ligne
de temps. L’artiste questionne ici ces lignes invisibles que la présence de l’homme trace au
coeur des territoires qu’il traverse. Un voyage invisible.